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Galerie Verte 2018

prinzhorn iDix maîtres schizophrènes

Pourquoi j'ai lu "Expressions de la folie" de Hans Prinzhorn

Par Anne-Marie Vindras

Samedi 7 avril de 14 à 16h30, à L'Entrepôt 7 & 9 rue Francis de Pressensé Paris 75014

 


Argument

Hans Prinzhorn a vingt ans en 1906, en Allemagne. Il aurait pu être lefils de Nietzsche et le petit-fils de Goethe ! Après des études de philosophie et d'histoire de l'art, il participe, frénétiquement, à Munich, à la vie émergente de l'art contemporain, Kandinsky, Jawleski, Kubin, Richard Strauss, Otto Gross, Stefan Georg, Klages.
Dans sa thèse de philosophie, il étudie l'origine psychologique de l'activité artistique, la psychologie étant alors placée à la base de la logique, l'éthique, l'esthétique. Il commence pendant ces mêmes années des études de chant. Le chant reste sa préoccupation majeure au moins jusqu'en 1913, plusieurs témoignages évoquent Prinzhorn comme un interprète bouleversant des lieder de Schubert.
En 1912, à vingt-six ans, il épouse en deuxièmes noces Erna Hoffmann, qui peu de temps après le mariage, souffre à nouveau de troubles mentaux qu'aurait déclenché le suicide d'un premier fiancé. Grand tournant, dans la vie de Prinzhorn. Pour faire face à cette situation très difficile, il décide « d'embrasser une profession où il est obligé de faire le bien ». Tout en étant mobilisé jusqu'à la fin de la guerre, il réussit à passer ses examens de médecine en 1917 et rencontre, toujours mobilisé, le professeur Wilmanns qui lui propose d'étudier le corpus de malades mentaux conservés à la clinique psychiatrique universitaire à Heidelberg, déjà classés par diagnostic dans une perspective didactique. Prinzhorn souhaite élargir ce projet de recherche centré sur les confins de la psychopathologie et la création artistique. Il commence alors un travail acharné : il s'adresse personnellement à une trentaine d'asiles dans toute l'Allemagne, il se rend sur place, il fait des conférences, il écrit des articles. Expressions de la folie est le résultat de ce travail intense mené pendant deux ans. Il réussit à rassembler 5000 oeuvres extraites de 450 cas.
En 1920, pendant la rédaction du livre, Prinzhorn écrit à Ludwig Klages, fixé près de Zurich. Il dit que Klages, héritier de Bachofen et Goethe est « un antidote contre le désarroi ». En 1922, Klages publie Mouvement expressif et force de la « Gestaltung » - Fondement de la science de l'expression. Besoin vital d'expression et processus de mise en forme (Gestaltung) de ce qui cherche à s'exprimer, la pensée de Ludwig Klagesse développe : « Conformément à cette théorie, les mouvements expressifs ont pour caractéristiques de concrétiser du psychique en sorte qu'il nous est donné dans une participation immédiate. » « Nous percevons du psychique individuel simplement en y participant et non au niveau rationnel. » « Le besoin d'expression ne peut être conçu que comme un fluide omniprésent à la manière de l'Eros. » « Ce que nous désignons par besoin d'expression est une obscure poussée pulsionnelle qui ne possède pas de forme de décharge propre à la différence de la pulsion au sens étroit du terme. »

Adossé solidement à cette armature théorique avancée par Klages, Prinzhorn ajoute les trois principes de la Gestaltung qu'il a retenu de son professeur préféré de Leipzig, Schmarsow, principes auxquels nul ne peut se soustraire ! « symétrie, proportionnalité, rythme ». Ces trois termes renvoient au rapport toujours mis en avant entre le corps humain et la mise en forme plastique. Pour la recherche spécifique centrée sur les confins de la psychopathologie et la création artistique, Prinzhorn choisit d'étudier en détails 170 oeuvres de ceux qu'il appelle ses « 10 maîtres schizophrènes». Toutes ces oeuvres, dessins, peintures, gravures, aquarelles, petites sculptures, trouvent leur origine dans les impulsions d'une poussée de « Gestaltung ». Il s'en dégage une caractéristique fondamentale : une étrangeté fascinante, une inquiétante étrangeté encore plus « inquiétante » que celle du « fantastique » de l'art ; ce qui était familier pour Prinzhorn. Il adopte une méthode prudente d'interprétation qui consiste à partir du matériel pour arriver progressivement à des concepts généraux.Il se retrouve dans la plupart des cas devant une extrême complexité pour faire le partage entre le « normal et le pathologique ». D'un côté, Prinzhorn le philosophe-psychologue et son savoir sur l'esthétique, de l'autre le médecin-psychiatre clinicien (obligé de faire du bien). L'abord de ces dizaines de travaux centré sur la finesse de différentiation entre processus de mise en forme « normal » et ceux marqués par la « pathologie » ne satisfait pas Prinzhorn. Il veut étudier les relations entre le sentiment du monde de l'artiste et celui du malade mental. Il écrit à ce propos : « Ce problème ne saurait être résolu que dans une métaphysique de la Gestaltung qui en est encore à ses tous débuts. » Prinzhorn se référe alors aux avancées éventuelles de la pensée de son maître Klages pour prendre ses distances, à la fois par rapport à Freud et à Jung.
« La mise en évidence d'une productivité qui, en opposition au délabrement général de la personnalité, continue à s'affirmer dans le processus de mise en forme. Ceci est d'une importance considérable. » « Nous serions assez enclin à renoncer à l'anthropomorphisme pour voir plutôt la mesure et le modèle des principes de Gestaltung dans le déroulement rythmique de tous les processus vitaux. »
En 1929, dans un article publié en Belgique, Prinzhorn écrit comme en conclusion de ces années passées à Heideberg dont il est parti assez rapidement : « Ce qui s'impose à notre émotion et notre mémoire dans ces oeuvres de malades, ce qui nous semble même d'une grandeur poignante, c'est l'âme vibrante qui prend forme, souvent uneforme bizarre, parfois une forme vivante, pure, puissante. »

Quelques références