Poèmes-vie, lignes de sorcières
Les 4 et 5 décembre 2021
À L'AGORA
64 rue du Père Corentin 75014 Paris
Samedi de 9H à 18H et dimanche de 9H à 16H
Argument
Un jour viendra où tout ce disparate se trouvera effacé. Le pouvoir qui s'exercera au niveau de la vie quotidienne ne sera plus celui d'un monarque proche et lointain, tout-puissant et capricieux, source de toute justice et objet de n'importe quelle séduction, à la fois principe politique et puissance magique ; il sera constitué d'un réseau fin, différencié, continu, où se relaient les institutions diverses de la justice, de la police, de la médecine, de la psychiatrie. Et le discours qui se formera alors n'aura plus l'ancienne théâtralité artificielle et maladroite ; il se développera dans un langage qui prétendra être celui de l'observation et de la neutralité. Le banal s'analysera selon la grille efficace mais grise de l'Administration, du journalisme et de la science ; sauf à aller chercher ses splendeurs un peu plus loin de là, dans la littérature. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, on est à l'âge encore rugueux et barbare où toutes ces médiations n'existent pas ; le corps des misérables est affronté presque directement à celui du roi, leur agitation à ses cérémonies ; il n'y a pas non plus de langage commun, mais un heurt entre les cris et les rituels, entre les désordres qu'on veut dire et la rigueur des formes qu'il faut suivre. De là, pour nous qui regardons de loin ce premier affleurement du quotidien dans le code du politique, d'étranges fulgurations, quelque chose de criard et d'intense, qui se perdra par la suite lorsqu'on fera, de ces choses et de ces hommes, des «affaires», des faits divers ou des cas.
Foucault La vie des hommes infâmes,
Silvia Federici, Françoise Vergès et Donna Haraway nous invitent à imaginer la classe ouvrière contemporaine comme un vaste ensemble de corps minéralisés, végétalisés, animalisés, féminisés et racisés qui accomplissent le travail dévalorisé de la reproduction énergétique, sexuelle, affective et sociale de la techno-vie sur la planète Terre.
Paul B.Preciado Chronique du 27 avril 2020
L’exploitation du désir, c’est la grande invention du discours capitaliste, parce qu’il faut l’appeler quand même par son nom. Ça, je dois dire, c’est un truc vachement réussi.
Lacan, 4 février 1973, Milan.
Le plan d’immanence implique une sorte d’expérimentation tâtonnante, et son tracé recourt à des moyens peu avouables, peu rationnels et raisonnables. Ce sont des moyens de l’ordre du rêve, de processus pathologiques, d’expériences ésotériques, d’ivresse ou d’excès. ...Penser, c’est toujours suivre une ligne de sorcière.
Qu’est-ce que la philosophie ? Deleuze et Guattari ,
Comment savoir où s’arrêter dans L’interprétation des rêves ? Il est tout à fait impossible de comprendre ce qu’a voulu dire Freud dans L’Interprétation des rêves. C’est ce qui m’a fait délirer, il faut bien le dire, quand j’ai introduit la linguistique dans ce qu’on appelle une pâte bien efficace, tout au moins nous le supposons, et qui est l’analyse.
Agir par l’intermédiaire de la pensée, c’est quelque chose qui confine à la débilité mentale. Cet acte, j’essaye de le produire par mon enseignement, c’est quand même du bafouillage. Nous confinons ici à la magie. L’analyse est une magie qui n’a de support que le fait que, certes, il n’y a pas de rapport sexuel, mais que les pensées s’orientent, se cristallisent, sur ce que Freud a imprudemment appelé le complexe d’Œdipe. Comment diriger une pensée pour que l’analyse opère ? La chose qui en est le plus près, c’est de se convaincre, si tant-est que ce mot ait sens, c’est de se convaincre que ça opère.
Lacan, Le moment de conclure, 11 avril 1978.
La vision chamanique modifie ce que voir signifie.
Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts
Ce qui n'est pas de votre expérience, c'est perdu, perdu une bonne fois pour toutes.
Lacan, 4 nov 1973, La Grande Mottte.
Si l’on observe, avec l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro, les différents rituels chamaniques des sociétés amérindiennes pour «arrêter le monde», on pourrait dire que la plupart d’entre eux comportent au moins trois étapes. Dans la première, le sujet est confronté à sa condition mortelle ; dans la seconde, il voit sa position dans la chaîne trophique et perçoit les liens énergétiques qui unissent tout ce qui vit et dont il fait lui-même partie ; dans la troisième et dernière, avant la métamorphose, il modifie radicalement son désir, ce qui lui permettra peut-être de devenir un autre. Je ne parle pas ici d’une expérience religieuse, car je ne fais référence à aucun savoir théologique ou transcendant. Bien au contraire. Mais il serait possible de comprendre les changements sociaux et politiques que la crise du Covid-19 a générés comme une sorte de gigantesque rituel technochamanique pour «arrêter le monde», capable d’introduire des modifications significatives dans nos technologies de la conscience. Les trois étapes du chamanisme tupi pourraient fonctionner, à l’échelle mondiale, comme prélude à une métamorphose politique de la conscience pour un changement de paradigme planétaire.
Paul B.Preciado, Chronique du 27 avril 2020
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Heather Dundas veut en voir le cœur net : que s’est-il passé lors de cette « soirée inoubliable au LSD, savamment dosé, dans la nuit du désert, avec une musique délicieuse, des êtres sympathiques et de la chartreuse [...] » en mai 1975. Son enquête va la mener à obtenir la publication du manuscrit de Simeon Wade
Interview de Wade sur le site Boom
Simeon Wade : Je me suis dit si j’administre du LSD thérapeutique à Foucault, je suis certain qu’il se rendra compte qu’il va trop vite quand il efface notre humanité, et l’esprit tel que nous le connaissons aujourd’hui, il verra qu’il y a d’autres formes de savoirs que la science, et il reconsidérera le thème de la mort tel qu’il avait jusqu’alors marqué sa pensée.
Site Boom : Quand les changements consécutifs à la vallée de la Mort se sont-ils produits dans son travail ?
Simeon Wade : IMMÉDIATEMENT . Il nous a écrit qu’il avait jeté au feu les tomes II et III de son Histoire de la Sexualité et qu’il allait devoir tout recommencer à zéro. [...] il en a détruit au moins une version et il les a réécrit avant sa mort prématurée en 1984. Les titres de ces deux derniers livres reflètent l’impact que cette EXPÉRIENCE a eu sur lui : [dans] L’usage des plaisirs et Le souci de soi, il n’y a pas de référence à la finitude. Après cette expérience, TOUT est du nouveau Foucault, du néo-Foucault. Il faisait soudain des déclarations qui choquaient l’intelligentsia française. [...] »
Parution du livre Foucault en Californie en français en 2021, (en anglais en 2019)
— Michel, dis-je, j’ai hâte que nous fassions notre émission ensemble.
— Oh, vraiment, dit-il d’un ton incrédule. Et pourquoi ?
— J’aimerais que tout le monde vous voie comme une personne.
— Mais je ne suis pas une personne, répondit Foucault sèchement.
— Très bien, comme un être humain.
— C’est pire, dit Foucault en riant.
Puis je vis de mes propres yeux ce qu’il venait de dire. En nous serrant dans ses bras et
en faisant ses adieux, Foucault se métamorphosa en une série de devenir deleuziens :
enfant, femme, ouistiti, léopard, inconnu, musique intense et, pour finir, invisible, son
rêve absolu.
— Nous avons partagé beaucoup de plaisirs, dit-il, comme s’il était loin. Ses yeux bril-
laient de l’éclat de Vénus surplombant Zabriskie Point. Foucault se molécularisa entre les
bras de ses garçons et il était parti.
Interview de Wade sur le site Boom
Site Boom : Certaines personnes ont critiqué votre expérience et considéré que vous aviez
joué avec la santé de Foucault
Simeon Wade : Beaucoup d’universitaires ont été très sévères, affirmant que l’esprit d’une personne exceptionnelle avait été tripatouillé. Que je n’aurais pas dû tripatouiller son esprit. Mais Foucault était parfaitement conscient de ce qui se passait et nous sommes restés avec lui tout le temps.
INTERVENANTS
Michèle Duffau - Mayette Viltard
Marie Jardin - Françoise Jandrot - Luc Parisel
Xavier Leconte - Julio Barrera-Oro - Ninette Succab
Marie-Magdeleine Lessana - François Dachet
Anne Marie Ringenbach - Anne-Marie Vanhove -
Claude Mercier - Jean-Hervé Paquot
Quelques textes :
Simeon Wade, Foucault en Californie, ed. Zones, 2021
Michel Foucault, La volonté de savoir, Gallimard, 1976.
“La vie des hommes infâmes” 1976-77, in Archives de l’infamie, Les prairies ordinaires 2009 ou Dits et Ecrits III, N°198.
Eduardo Kohn, « Penser sémiotiquement », traduit par Xavier Leconte, in L’unebévue N°38, octobre 2020. Kohn et Claire Chase https://www.youtube.com/watch?v=1DTUIbM44JY
Paul B.Preciado, Il y a à peine quarante jours, nous étions au bord d’un soulèvement trans-féministe décolonial, qui a été stoppé net par la crise du Covid-19. Le monde capitaliste s’est arrêté, nous laissant une formidable opportunité de métamorphose politique et sociale, telle que l'enseigne le chamanisme amérindien. Chronique du 27 avril 2020.Internet.
Mark Maslan, “Foucault and pragmatism”, in Raritan7.3, Hiver 1988, pp94-114(1)
Walter D. Mignolo, La désobéissance épistémique – Rhétorique de la modernité, Logique de la colonialité, et Grammaire de la décolonialité. (Préface de Marc Maesschalck consacrée à la pensée de Walter D. MIGNOLO) Édité chez P.I.E. Peter Lang, pp.9-22.
Jacques Lacan, Le moment de conclure, site elp.
Christian-François de Kervran, Les dix et une nuits de Jean Baraqué et Michel Foucault à Trélévern, ed. Quintes Feuilles, 2016.
Inscriptions sur place à 9h
À L'AGORA
64 rue du Père Corentin 75014 Paris
Samedi de 9h à 18h - Dimanche de 9h à 16h
Metro Ligne 4 Porte d'Orléans Bus 38 et 92 Tram T3a
Inscription pour le WE: 100€. Tarif réduit 50€
CLINIC ZONES 212 avenue du Maine 75014 PARIS Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Direction et coordination Mayette Viltard, Anne Marie Ringenbach