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halperin2Platon et la réciprocité érotique

David M. Halperin

Traduit de l'américain par Guy Le Gaufey et George-Henri Melenotte.

L'unebévue 2000, ISBN : 2-908855-53-4, ISSN : 1284-8166, 56 p. 10€

Les Grecs tenaient pour acquis que pratiquement aucun homme ne pénètre et ne se soumet à la fois à la pénétration d'autres hommes, durant la même période de sa vie, et pour cette raison, le désir réciproque de partenaires appartenant à la même catégorie d'âge est à peu près inconnu dans l'homosexualité grecque.
L'abandon par Platon des formes conventionnelles de pensée et de discours est frappant. Socrate déclare que le jeune aimé en vient à participer au désir passionné qu'a de lui son amant. L'approche platonicienne efface presque la distinction entre l'amant et l'aimé, entre le partenaire actif et le partenaire passif. Il n'y a en effet aucune place pour la passivité dans la poursuite de la vérité. Le langage de Platon a pour dessein de souligner le caractère actif et agité du désir qui est commun au pédéraste passionné et à l'aspirant philosophe. La réciprocité érotique résout par là un problème important et pressant dans l'éthique grecque. Elle établit des contacts entre les individus, en harmonisant les revendications de soi et de l'autre et en intégrant les vertus traditionnelles "compétitives" de l'héroïque autonomie aux vertus "coopératives" de l'obligation civique ; elle réconcilie, même si cela reste dans les limites étroites de l'union érotique, ces deux modèles de valeur morale concurrentiels, destinés typiquement à se heurter dans les sociétés de pénurie, qu'elles soient antiques ou modernes.
Platon refuse de séparer l'érotique de la sexualité, l'érotique de la conversation, et l'érotique de l'investigation philosophique. La réciprocité fournit un lien crucial entre ces espèces de désir, différentes, tout en restant authentiques : elle garantit leur unité essentielle et fournit une indication infaillible à leur nature commune.

David M. Halperin a publié en français Cent ans d'homosexualité, Paris, EPEL, 2000, et Saint Foucault, Paris, EPEL, 2000.