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L'UNEBÉVUE N°29 : Lacan devant Spinoza29i

Création/Dissolution

ISBN : 978-2-914596-36-7, ISSN : 1168-148X, 242 p, 22€, 2012

Comité nomade : Éliane Sokol, José Attal, Claude Mercier.

Cahier de l'unebévue : ADVERSUS HEIDEGGER  Oriane d'Ontalgie

 

 

La grotte du temps logique et la prison de Lascaux

Xavier leconte

in Revue de l'Unebévue N° 29 LACAN DEVANT SPINOZA, p. 228

 

Le titre de cet exposé se présente comme un lapsus ; il y a une inversion qu'on voudrait corriger : la grotte de Lascaux et la prison du temps logique ! Sous sa forme inversée il répond cependant assez bien à ce dont il va être question. Des choses se sont passées entre la grotte de Lascaux et la prison du temps logique, des effets de contamination, d'altération de l'une par l'autre, de la prison par la grotte et réciproquement, des effets qui justifient plutôt ce désordre, cette anomalie liminaire.

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cheval chinois iDans le titre qu'il a consacré à la grotte de Lascaux, Georges Bataille utilise la notion de réserve pour parler d'une des peintures qui ornent les parois de la grotte. Il s'agit d'un ensemble de trois chevaux.

 « En raison de leur forme ramassée, ces chevaux ont souvent été rapprochés de certaines peintures chinoises […] mais le second me semble plus parfait que les chevaux les plus subtils des Chinois. Entourés d’un contour noir, la crinière et les sabots noirs, ils sont d’une couleur ocre, qui peut être vive en contraste avec le blanc de la calcite sur laquelle ils sont peints, et qui, réservé, donne la couleur délicate du ventre. » (p. 231)

Le paradoxe de Bataille. L'homme paré du prestige de la bête

puits i « L’homme du puits de la caverne de Lascaux est en même temps que l’une des premières figurations connues de l’être humain l’une des plus significatives. […] Les conjectures qu’a suscitées cette scène exceptionnelle sont différentes et peu conciliables […] mais j’insiste dès maintenat sur un caractère indéniable de cet ensemble : la différence dans la représentation de l’homme et de la bête. Le bison lui-même relève il est vrai de cette sorte de figuration du réel à laquelle convient le nom de réalisme intellectuel*. Par rapport à la plupart des autres figures animales de Lascaux nous n’avons là que le schéma naïf et intelligible de la forme, non plus l’imitation fidèle, naturaliste, de l’apparence. Le bison néanmoins semble naturaliste en face de l’homme, également schématique, mais outrancièrement maladroit, comparable aux simplifications des enfants. Beaucoup d’enfants traceraient l’analogue de l’homme, pas un n’atteindrait la vigueur et la force de suggestion de l’image du bison, qui exprime la fureur et la grandeur embarrassée de l’agonie ». (Bataille, La peinture préhistorique, Lascaux ou la naissance de l’art, Skira, Paris, 1986, p. 117)

IMG 0004 i * C’est dans un livre de Georges Henri Luquet intitulé L’Art Primitif (1930) que Bataille avait trouvé cette notion de réalisme intellectuel : « Une image est ressemblante pour l’adulte quand elle reproduit ce que son œil en voit, pour le primitif lorsqu’elle traduit ce que son esprit en sait. On exprimera à la fois le caractère commun et le caractère distinctif de ces deux sortes d’art figuré en appelant le premier un réalisme visuel, le second un réalisme intellectuel. » (G.H. Luquet, L’Art Primitif, Gaston Doin et Cie, Éditeurs à Paris, 1930, p. 67).

 

 

 

Le sophisme de Lacan

cahiers iEn 1945 Lacan publie un article dans les Cahiers d’Art sous le titre : « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée, un nouveau sophisme ».

Dans ce même numéro des Cahiers d’Art on peut lire également, parmi de nombeux autres, un très bel article de Ferdinand Alquié que nous reproduisons ici.

 

 

 

l1iDans une lete en date du 10 janvier 1946 Lacan écrit à Ferdinand Alquié à propos de leur participation commune à ce numéro des Cahiers d’Art.

 

 

 

 

 

cahier 45iDans la note terminale de son article, d’une extrême concision, Lacan situe son texte comme « fragment d’un Essai d’une logique collective ». L’article qu’on vient de lire ne serait donc d’un « fragment » d’un livre à venir. Il s’explique plus longuement sur son projet dans l’article qu’il publie dans le numéro suivant des Cahiers d’Art sous le titre « Le nombre treize et la forme logique de la suspicion ». C’est à nouveau dans une note qu’il le fait, mais cette fois-ci plus étendue :

« L’étude ici développée prend sa place dans les analyses formelles initiales d’une logique collective, à la quelle se référait déjà le morceau publié dans le numéro précédent des Cahiers d’art sous le titre « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée ».

La forme ici développée, quoiqu’elle compare la succession, n’est point de l’ordre du temps logique et se situe comme antérieure dans notre développement.

Elle fait partie de nos approches exemplaires pour la conception des formes logiques où doivent se définir les rapports de l’individu à la collection, avant que se constitue la classe, autrement dit avant que l’individu soit spécifié.

Cette conception se développe en une logique du sujet, que notre autre étude fait nettement apercevoir, puisque nous en venons à sa fin à tenter de formuler le syllogisme subjectif, par où le sujet de l’existence s’assimile à l’essence, radicalement culturelle pour nous, à quoi s’applique le terme d’humanité. » (Jacques Lacan, Autres Écrits, Seuil, Paris , 2001, p.86 note 1)