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Conférences de L'UNEBÉVUE 2015

ÉROS-ROSÉE

L'AVENTURE TEMPORELLE DU NOEUD BORROMÉEN

par Claude MERCIER

Samedi 14 MARS 2015


Argument de la conférence

mercier 01i♦ Une idée de démarrage de ce travail sur Duchamp/Lacan a été le Fulmicoton, l'expo de 1942 à New York, avec les fils de fulmicoton qui forment comme une toile d’araignée (ou labyrinthes).

Duchamp dit toujours les choses essentielles, et s’il a pris du fulmicoton ce n'est pas par hasard. Il n'y a jamais eu de travail sur les fils de fulmicoton, mais ceci nous porte à l'étude des points singuliers qui ne sont vraiment formalisés que tardivement dans le XXe siècle, bien que déjà perçus fin du XIXe par un auteur qui fut ô combien sensible au diagramme : Maxwell.

Et comme le dit Duchamp : « À un moment donné, le fil a brûlé. Comme le fulmicoton brûle sans flammes, on a eu très peur ».

 

♦ Duchamp aurait assisté au séminaire de Lacan entre 1964 et 1968... C'est Robert Lebel qui en fait mention.

« Robert Lebel – son œil bleu féroce, bleu courtois – a focalisé les pre­mières approches d'une telle lecture où rivalisent les esprits les plus subtils d'aujourd'hui. À commencer par Jacques Lacan que Duchamp voyait souvent avec plaisir. Consulter les pages 195-204 du Dossier Marcel Duchamp, Pierre Belfond, 1985, étude capitale enfin rééditée

In Jean Suquet, Le grand verre rêvé, Aubier.

 

♦ L'idée qu'il y a des machines abstraites dans la peinture, et qu'elles ne font qu'un avec une sorte de « catastrophe » que le peintre affronte et maîtrise (avec beaucoup de risques), cela me semble vrai de Duchamp mais aussi de beaucoup de peintres plus anciens. S'il y a des machines abstraites dans la peinture, elles réuniraient à la fois l'idée de catastrophe et celle de « diagramme ».

Fragment d'entretien de Deleuze avec Robert Lebel, les dossiers Belfond, 1985, p. 200.

 

♦ Olivier Zahm : – Pour finir, une question sur le temps. Dans votre réflexion avec Deleuze, il y a tout un passage sur l’idée d’événement. Pensez-vous que ce soit du côté de l’art que l’on peut chercher un autre rapport au temps ? Je cerne mieux votre rapport à l’être (mutation onto­logique), mais moins votre conception du temps dans l’hypothèse d’une évo­lution postmédiatique ?

Félix Guattari. – On peut prendre cette question avec Marcel Duchamp, qui a marqué l’émergence d’un devenir qui échappe complètement au temps. L’événement vient comme rupture par rapport aux coordonnées de temps et d’espace. Et Marcel Duchamp a poussé le point d’accommodation pour mon­trer qu’il y a toujours, en retrait des rapports de discursivité tempo­relle, un index possible sur le point de cristallisation de l’événement hors temps, qui traverse le temps, transversal à toutes les mesures du temps ».

Reprenant et transformant le mot d’art acontemporain d’Olivier Zahm, Guattari parlera d’art atemporain « où le curseur temps est ramené au point de foyer autopoïétique ».

Félix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ?, textes présentés et agencés par Stéphane Nadaud, éditions Lignes/Imec, 2013, pp. 149-172

 

♦ Du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015 s’est tenu à Beaubourg l’exposition « Marcel Duchamp. La peinture même », dans laquelle était présentée, entre autres œuvres de Marcel Duchamp, une réplique au 1/10 de la dernière œuvre de l’artiste :

« Étant donnés : 1° La chute d’eau,

2° le gaz d’éclairage »,

réplique réalisée par Ulf Linde, assisté par Bo Larsson, Rolf Rosenberg et P.O. Ultvedt.

Nous ne sommes plus à l’époque d’eau et gaz à tous les étages, mais à celle de Wifi-free. Alors, quelle lecture pouvons-nous produire de cette réplique/œuvre de Duchamp présentée dans ce nouveau dispositif? Une relecture de cette œuvre posthume s’impose – analysant, entre autres, la volonté de discrétion voulue par Duchamp concernant celle-ci.

On pourrait repartir du tableau de 1911 « Moulin à café » accom­pagné de ce court fragment de l’entretien que fit Marcel Duchamp avec Pierre Cabanne en 1966 :

PC - Au moment où vous terminez le Nu descendant un esca­lier, vous exécutez le Moulin à café qui anticipe sur les dessins mécaniques.

MD – C’est plus important pour moi. Les origines sont sim­ples. Mon frère avait une cuisine dans sa petite maison de Puteaux et il a eu l’idée de la décorer avec des tableaux des copains. Il a demandé à Gleizes, Metzinger, La Fresnaye, Léger aussi je crois, de lui faire de petits tableaux de la même dimension, comme une sorte de frise. Il s’est également adressé à moi et j’ai exécuté un moulin à café que j’ai fait éclater ; la poudre tombe à côté, les engrenages sont en haut et la poignée est vue simultanément à plusieurs points de son circuit avec une flèche pour indiquer le mouvement. Sans le savoir, j’avais ouvert une fenêtre sur quelque chose d’autre. Cette flèche était une innovation qui me plaisait beaucoup, le côté diagrammatique était intéressant du point de vue esthétique.

PC – Elle n’avait pas de signification symbolique ?

MD – Pas du tout. Sinon celle qui consistait à introduire dans la peinture des moyens un peu différents. C’était une sorte d’échappatoire. Vous savez, il y a toujours eu chez moi ce besoin de m’échapper...