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CZ marseille juin 22i

COMPOSTFREUDIEN

Une quatrième blessure narcissique

Marseille, les 24 & 25 mai 2025

À La Maison de la Suisse

7, rue d'Arcole 13006 Marseille

Samedi de  9H à 18H et dimanche de 9H à 16H

 

Argument

 

Samedi matin, nous verrons un film qui accompagne notre entrée dans le troisième millénaire, avec ses machines et ses nouveaux (?) modes de subjectivation. Exposés et débats samedi après-midi et dimanche.

 

Ayons le courage de faire un pas de plus. D'après la manière de voir généralement admise, la réunion d'un grand nombre de cellules en une association vitale, autrement dit, la structure multicellulaire des organismes, constituerait un moyen destiné à prolonger la durée de leur vie. Chaque cellule sert à entretenir la vie des autres, et l'État cellulaire peut continuer à vivre, malgré la mort de telles ou telles cellules. Nous savons également que la copulation, la fusion momentanée de deux êtres unicellulaires, agit sur l'un et l'autre dans le sens de la conservation et du rajeunissement. Aussi pourrait-on essayer d'appliquer la théorie psychanalytique de la libido aux rapports des cellules entre elles en disant que les instincts sexuels Sexualtriebe et les instincts de vie Lebenstriebe, à l’oeuvre dans chaque cellule, s'exercent sur les autres cellules, en neutralisant en partie leurs instincts de mort Todestriebe, c'est-à-dire les processus provoqués par ces instincts, et en les maintenant en vie ; il s'agirait d'une action réciproque, en chaîne pour ainsi dire, certaines cellules pouvant pousser jusqu'au sacrifice d'elles-mêmes, l'exercice de cette fonction libidinale. Les cellules germinales feraient alors preuve d'un « narcissisme » absolu, pour employer l'expression dont nous nous servons dans la théorie des névroses, lorsque nous nous trouvons en présence d'un individu qui garde pour lui toute sa libido, sans vouloir en transférer la moindre partie sur un objet quelconque. Les cellules germinales ont besoin de leur libido, de l'activité de leurs instincts de vie, à titre de réserve à employer au cours de leur activité ultérieure, au plus haut degré constructive. Il se peut que les cellules des tumeurs malignes, si destructives pour l'organisme, soient narcissiques au même sens du mot. La pathologie se montre, en effet, disposée à considérer leurs germes comme innés et à leur attribuer des propriétés embryonnaires. C'est ainsi que la libido de nos instincts sexuels correspondrait à l'Éros des poètes et des philosophes, à l'Éros qui assure la cohésion de tout ce qui vit.
Freud, Par-delà le principe de plaisir 1920.


Selon Mathieu Corteel, « nous vivons à l'heure d'un « Superinconscient machinique du capitalisme cognitif ». La grammaire générative comprend un composant transformationnel qui assure la liaison entre l’input « la structure profonde » et l’output « la structure de surface » qui rend possible la communication intersubjective et le transfert de sens. Tout ceci et d’autres considérations font dire à Chomsky, selon Corteel, que « si le fonctionnement des états mentaux correspond à celui des machines logiques, on peut faire l’hypothèse que la pensée est le fait d’un programme linguistique cérébral. Notre comportement ainsi que notre pensée seraient donc de nature computationnelle ». Corteel signale qu’avant que Chomsky ne circonscrive ainsi le programme de notre langage, Turing avait envisagé avec sa machine universelle, quelque chose de similaire à la grammaire générative et transformationnelle. Mais, dit-il, Turing est allé plus loin en concevant la possibilité de connecter la structure profonde de la machine à la surface humaine. Pour établir une telle liaison communicationnelle l’agencement doit permettre de cacher la différence physique pour favoriser la continuité langagière pure. La machine dans le jeu de l’imitation doit feindre l’humain indépendamment de son aspect physique qui doit être caché dans le jeu. C’est pourquoi aussi on doit lui ajouter un élément programmatique aléatoire pour feindre le doute, voire l’erreur. La machine universelle qui traite des données mathématiques ne se trompe jamais et répond sans temps de latence. Corteel conclut : « Pour ainsi dire le principe même du test de Turing repose sur l'illusion. Le langage de surface doit laisser penser que la structure profonde est la cause d'une individuation psychique ex-machina ». Mais Corteel commet l’erreur de considérer que cette illusion est un facteur négligeable. Freud, dans L'avenir d'une illusion, soutient précisément que c’est l’illusion qui est une source de puissance. C'est parce que c’est une illusion que la religion a une telle puissance. Cette illusion a un pouvoir performatif énorme.
À la lecture de Mathieu Corteel, Ni Dieu ni IA


Je plaide pour une fiction cyborgienne qui cartographierait notre réalité corporelle et sociale, une ressource imagi¬naire qui permettrait d’envisager de nouveaux accouplements fertiles. La biopolitique de Michel Foucault n’est qu’une pâle prémonition de la politique du cyborg, ce vaste champ. Le déterminisme technologique n’est qu’un des espaces idéologiques ouverts par les nouvelles conceptions de la machine et de l’organisme comme textes codés à travers lesquels nous jouons à lire et à écrire le monde.
Donna Haraway, Cyborg Manifesto


Le terme que je cherche pour caractériser cette époque est peut-être « pandémies de l'informatique ». Du patriarcat capitaliste blanc à l'informatique de la domination, puis aux pandémies de l'informatique. Tout est dans les variantes.
 Donna J. Haraway , Postface : Pandémies de transformation pour des mondes vivables 2024


Le nazisme s’enracine dans la science, en particulier dans la biologie appliquée. De 1850 à 1945, la race est un concept reconnu par la biologie, la médecine, l’anthropologie raciale. Par exemple, est créé le mot Biotope : d’abord descriptif, puis prescriptif, il est une injonction à conquérir et maîtriser tel espace sous peine de mort raciale. (p.34). Les SS sont de véritables médecins du corps allemand, les nazis interviennent et opèrent biologiquement sur un corps dont la tête est saine, les membres perfectibles et sur lesquels les greffes sont impossibles. Prestation, performance, production, productivité, quiconque est leistungsfähig, (capable de performance) productif, rentable, est estimé digne de vivre. La bionomie (norme vitale, loi de la vie) régit l’Allemagne, sur plusieurs fronts : médical, militaire, colonial.

Johann Chapoutot Comprendre le nazisme.


« Quand on n’a jamais été humain, qu’est-ce qui peut bien être fait ? » Donna Haraway, When species meet, 2008. Quand les espèces se rencontrent.

Ce qui gêne, dans l'affirmation du désir des masses pour le fascisme, c'est que l'affirmation couvre le défaut d'une analyse historique précise. J'y vois surtout l'effet d'une complicité générale dans le refus de déchiffrer ce que fut réellement le fascisme (refus qui se traduit soit par la généralisation : le fascisme est partout et surtout dans nos têtes, soit par la schématisation marxiste). La non-analyse du fascisme est l'un des faits politiques importants de ces trente dernières années. Ce qui permet d'en faire un signifiant flottant, dont la fonction est essentiellement de dénonciation : les procédés de tout pouvoir sont soupçonnés d'être fascistes tout comme les masses sont soupçonnées de l'être dans leurs désirs. Sous l'affirmation du désir des masses pour le fascisme gît un problème historique qu'on ne s'est pas encore donné les moyens de résoudre.

«Pouvoirs et stratégies» (entretien avec J. Rancière), Les Révoltes logiques, no 4, hiver 1977, pp. 89-97.

 

J'ai toujours envisagé la biologie d'une double manière, la manière dont le monde fonctionne biologique¬ment, mais aussi la manière dont le monde fonctionne métaphoriquement. Ce que j’aime, c’est la jonction entre le figuratif et le factuel exemple même de mon sacramentalisme catholique. Je considère les entités des phénomènes biologiques comme intensément physiques, et à partir d’elles j’obtiens ces grands récits, ces histoires cosmologiques si tu veux. [....]
C'était vraiment avant l'université, mais je me souviens d'une dispute avec un camarade d'université sur ce qu'était une cellule. Je lui ai soutenu que au plus profond la cellule est notre nom pour les processus qui n'ont pas de limites indépendantes de notre interaction. En d'autres termes, les limites sont le résultat de l'interaction et de la dénomination. Ce n'est pas que le monde soit "inventé", qu'il n'y ait pas de cellules, mais que le terme descriptif "cellules" est un nom pour une sorte d'interaction historique, pas un nom pour une chose en soi.
TNG : Qu'en a pensé ton collègue ?
DH : Que j'étais folle. Mais je ne parlais pas d'une abstraction. On le voit bien ici avec nous. Il y a toi, il y a moi, il y a un magnétophone, et il y a l'interaction qui produit le monde sous cette forme en ce moment plutôt qu’à un autre. Mais laisse-moi aussi revenir un peu en arrière. Il y a deux aspects à souligner lorsque l'on parle de biologie. Le premier est : nous vivons intimement "comme" et "dans" un monde biologique. Cela peut sembler évident, mais j'insiste sur ce point pour rappeler le caractère ordinaire ou quotidien de ce dont nous parlons lorsque nous parlons de biologie.
Et le deuxième aspect, qui représente un gestalt switch majeur par rapport au point précédent, est : la biologie est un discours et non le monde lui-même. Alors que, d'une part, je vis matériellement et sémiotique-ment comme un organisme, et ça c'est une sorte d’identité historique, m’immergeant en particulier au cours des deux derniers siècles dans des types très spécifiques de traditions, de pratiques et de circulation d’ar-gent, de compétences et d’institutions, d’autre part je suis aussi à l’intérieur de la biologie en tant qu’elle est intimement prise dans les systèmes de travail, les systèmes d’accumulation et de distribution hiérarchiques, d’efficacité et de productivité. Dans l'écologie contemporaine, il y a eu des discussions très médiatisées sur la valeur des "services" que les écosystèmes produisent. Par exemple, lorsque la production de dioxyde de carbone des cultures industrielles est absorbée par les matières végétales, les plantes elles-mêmes deviennent des fournisseurs de services pour l'économie industrielle. Un tel mode de pensée est plus que métaphorique. C'est une façon profonde de voir comment le monde naturel-culturel est constitué.

Donna Haraway, How like et leaf

Ce que j’aimerais, c’est politiser la psychanalyse, la rendre à nouveau expérimentale, proche de l’expérience artistique, la ramener vers une critique institutionnelle forte.

Paul B. Preciado : “Je rêve d’une alliance de corps en survie contre la norme”, 07 décembre 2022, internet.

 

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INTERVENANTS

 Michèle Duffau - Mayet te Viltard - Marie Jardin - Françoise Jandrot
Marie-Magdeleine Lessana - Anne Marie Ringenbach - Anne-Marie Vanhove
François Dachet - Claude Mercier - Jean-Hervé Paquot - Luc Parisel
Xavier Leconte - Julio Barrera-Oro - Ninette Succab-Glissant

 

Quelques textes :

Alan Turing, Jean Yves Girard, La machine de Turing, Seuil, 1995,
Mathieu Corteel, Ni Dieu ni IA, La Découverte, 2025.
Giuliano da Empoli (dir.), L’Empire de l’ombre, guerre et terre au temps de l’IA, Gallimard, 2025.
Stanislas Deprez, Le Transhumanisme, La Découverte, 2024.
Yohann Chapoutot, Les Irresponsables : qui a porté Hitler au pouvoir ? Nrf Essais Gallimard .– La loi du sang, Tel Gallimard.– Le nazisme et l’Antiquité, Puf.– Le grand récit : introduction à l’histoire de notre temps, Puf.– Comprendre le nazisme, texto.
Christian Ingrao, Johann Chapoutot, Nicolas Patin, Le Monde Nazi 1919-1945, Taillandier.
Yohann Chapoutot, Jean Vigreux, Des soldats noirs face au Reich, Puf.
Peter Fritsche, Les 100 premiers jours de Hitler : quand les allemands ont adhéré au troisième Reich, préface de Johann Chapoutot, Texto.
Umberto Eco, Reconnaître le fascisme, Cahiers rouges, Grasset, 1997.
Deleuze et Guattari, Mille Plateaux, chap. Appareil de capture, Proposition XIII : L’État et ses formes, p. 560-591, Minuit, 1980.
F. Guattari, Chaosmose, Galilée, 1992. –Vertige de l’immanence. Refonder la production d’inconscient, 1972, Chimères
S. Freud, Une difficulté de la psychanalyse, 1917. – L’inquiétante étrangeté, 1919. – Au-delà du principe de plaisir, 1920. – L’avenir d’une illusion, 1927, – Malaise dans la civilisation, 1929.
Jacques Lacan, “Radiophonie”, scilicet 2/3, 1970.
Paul B. Preciado, Dysphoria mundi, Grasset, 2022.
Donna Haraway, Cyborg Manifesto, Exils. – How like a leaf, Routledge, 2000.– Modest_Witness@Second_Millennium.FemaleMan©_Meets_OncoMouse™:Feminism and Technoscience.
Jean-Claude Molinier, American Skeleton ou l’autre sémiotique de Charles Sanders Peirce, L’unebévue éditeur, 2023.
Karen Barad, À la rencontre de l’univers, La physique quantique et l’enchevêtrement matière-signification, traduit de l’américain par Denis Petit, L’unebévue-éditeur.

Tome 1 - L’affaire Copenhague, Science et éthique de l’enchevêtrement matière-signification, 2020.
Tome 2 - Diffractions, différences, contingences, et enchevêtrements qui importent, janvier 2022.
Tome 3 - Le réalisme agentiel. Intra-actions et pratiques matérielles-discursives, 2023.
Tome 4- Enchevêtrements quantiques, 2024.


 

Inscriptions sur place à 9h


Participation aux frais : pour le WE: 100€. Tarif réduit 50€
CLINIC ZONES et UNEBÉVUE 82 avenue de Breteuil 75015 PARIS Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Direction et coordination : Mayette Viltard, Anne Marie Ringenbach